«Il faut être courageuse, patiente et persévérante dans tout ce que l’on entreprend».
Femme d’affaires exceptionnelle, officier de l’ordre du Mono, présidente de la Filière Karité du Togo et Présidente de la Fondation SOIF, Mme Elisabeth Essodolom PALI TCHALLA parle de son parcours et ses projets dans une interview qu’elle a accordé à l’équipe de Dagan Magazine, qui met en lumière les femmes remarquables. Lire ci-dessous certaines de ses réalisations.
Journaliste : Qui est Elisabeth PALI TCHALLA ?
Elisabeth PALI TCHALLA : Je m’appelle Elisabeth Essodolom revendeuses de pagne à Kara.\nDM : Pali-Tchalla. Mon prénom kabyè Essodolom veut dire ‘’Dieu ne m’a pas oubliée’’. Je suis née à Kara. Je suis Directrice de Société, Présidente de la Filière Karité du Togo (FIKATO), présidente de l’interprofession karité du Togo et Présidente de la Fondation SOIF.
Parlez-nous brièvement de
l’évolution de votre carrière professionnelle
Il faut dire que ce n’était pas
facile. Nos salaires, celui de mon mari et le mien, ne suffisaient pas pour
faire face aux charges de la famille. Nous avions trois enfants à l’époque. Mon
mari est donc reparti faire des études dans le domaine bancaire en France. De
mon côté, j’ai commencé par faire des petits commerces tout en exerçant mon
métier de sage-femme. Ce sont ces petits commerces qui m’ont permis de trouver
un créneau que j’ai fait fructifier, avec l’aide de mon mari, pour créer par la
suite la boutique de cosmétiques Esthetica 2000.
Présidente de la filière karité
du Togo, pionnière dans ce domaine, racontez-nous vos débuts. Comment
arrive-t-on à cette responsabilité ?
Avant de répondre à votre question il faut que vous connaître la valeur du karité dans le monde entier. Le beurre de karité est largement utilisé dans l’industrie du chocolat, de la cosmétique et dans la pharmacie. Vous comprenez donc que ce secteur est en pleine expansion. Il y a quelques années, les amandes des fruits de l’arbre à karité collectées par des femmes rurales et transformées en beurre ne servaient que dans l’alimentation, la beauté et les rituels. Aujourd’hui, le karité et ses dérivées occupent une place de choix au plan économique. De nos jours, la demande en beurre de karité en provenance de l’Afrique de l’Ouest a augmenté de près de 1 200% au cours de la dernière décennie. Le produit est prisé dans le monde entier et surtout aux Etats-Unis. Depuis plus de 20 ans à travers la Fondation SOIF qui appuie les initiatives féminines, je me suis rendu compte qu’il y avait des milliers de femmes surtout dans la région septentrionale de notre pays, qui vivent des activités liées au karité. J’ai alors senti la nécessité de les réorganiser pour qu’elles puissent aller vers leur propre autonomisation et sortir de la pauvreté. C’est ainsi que je les ai organisées d’abord en groupements, après en sociétés coopératives selon l’acte uniforme de l’OHADA, ensuite en unions régionales et enfin en faitière nationale qu’est la FIKATO COOP CA. Vous comprenez donc que ce fut un très long processus avant que nous n’ayons aujourd’hui une interprofession qui regroupe tous les maillons du secteur karité. Mon principal objectif, c’est qu’à travers le karité nous puissions aider nos sœurs surtout dans les hameaux les plus reculés à sortir de la pauvreté. C’est à cela que je consacre toutes mes forces comme je l’ai toujours fait à travers la fondation SOIF. Je voudrais saisir cette occasion pour rendre un vibrant hommage à son Excellence Monsieur le Président de la République Faure GNASSINGBE qui a fait de la lutte contre la pauvreté son cheval de bataille et ne ménage aucun effort pour aider les femmes rurales à gagner le pari de leur propre autonomisation. Il me parait également important d’en appeler à la mobilisation de tous les partenaires nationaux et internationaux afin de soutenir les initiatives des femmes dans le domaine du karité, par exemple en finançant l’installation des unités de transformation pour ces femmes.
Comme vous venez de le
souligner, la filière karité est peu connue au Togo. Quelles sont les réelles
opportunités que les jeunes dames peuvent y trouver?
Je me félicite d’une chose,
c’est que grâce à Dieu nous avons pu réussir la réorganisation de toute la
filière karité au Togo. Dans toutes les zones productrices du karité, nous
avons des sociétés coopératives des acteurs du karité dument formées et
immatriculées par le gouvernement togolais. Et comme je vous l’ai souligné,
chaque région a son union régionale et au niveau national nous avons une
faitière nationale, la Fédération Inclusive du Karité du Togo (FIKATO COOP CA)
régie par l’acte uniforme de l’OHADA. En plus de toute cette nomenclature, le
Togo dispose depuis le 27 novembre 2019 d’une interprofession de tous les
acteurs du karité que j’ai l’honneur de présider. Tous ces regroupements que je
viens de citer sont ouverts et peuvent accueillir selon les textes tous ceux
qui veulent y adhérer, à conditions qu’ils remplissent les conditions énumérées
par les statuts. C’est en étant ensemble qu’on est plus fort et qu’on va plus
loin. Je pense qu’il est important que tous ceux qui interviennent sur toute la
chaîne de valeur conjuguent leurs énergies pour que la filière karité joue sa
partition dans la mise en œuvre du Plan National de Développement. Comme dans
tous les domaines, il y a toujours des opportunités mais le plus important
c’est de savoir quand et comment les saisir. Le marché international du karité
est en plein essor. Face à la pauvreté et au manque d’emplois pour les jeunes,
entreprendre dans le secteur karité peut être une solution. Nous avons des
milliers de femmes qui vivent directement des revenus tirés du commerce du
karité. Mais l’envie de se lancer dans le karité ne doit pas occulter les
exigences qui y sont associées. C’est un domaine qui répond aux normes
internationales notamment en matière de qualité. Avant de s’y lancer et rêver
d’atteindre le marché international, il est important qu’on soit à même de
respecter ces normes.
Grace à vous le Togo aura
l’honneur d’abriter en Avril 2020 la 13ème Conférence Internationale annuelle
du karité. Quels sont les enjeux et défis de cette rencontre ?
Notre pays se prépare pour abriter la 13ème Conférence internationale annuelle du karité du 06 au 08 Avril 2020 à Lomé. C’est un événement historique pour notre pays parce que le Togo ne l’avait jamais accueilli auparavant. Il a fallu environ trois années de tractations et un bon dossier de candidature que nous avons soumis à l’Alliance Globale du Karité, AGK qui l’a bien heureusement validé. On ne peut que s’en féliciter car c’est notre pays qui est honoré. Cet événement international coorganisé par l’AGK et la Filière Karité du Togo, FIKATO va réunir dans la capitale togolaise plus de 500 parties prenantes du monde entier autour du thème : KARITE 2020, créer l’industrie de demain. Les participants sont composés de groupements de femmes, des petites et moyennes entreprises, des organisations à but non lucratif, des partenaires au développement, des fournisseurs internationaux de grandes marques de l’industrie cosmétique et alimentaire américains, européens et africains. Vous savez que le Togo vient de se doter pour la première fois d’une interprofession dans la filière karité, c’est pour nous une excellente occasion de montrer au monde entier nos potentialité en matière de karité et cette conférence va insuffler une nouvelle dynamique à la filière. L’autre défi que nous entendons relever c’est qu’au cours de cette conférence, toutes les parties réfléchissent sur la nécessité d’adopter une charte afin de protéger l’arbre à karité. Aujourd’hui cette espèce que nous considérons comme une manne du ciel est dangereusement menacée. Si nous ne prenons pas garde, il sera difficile pour les générations à venir d’en profiter. C’est pourquoi depuis quelques années, nous discutons plutôt de la durabilité dans le karité. Il est important que toutes les parties jouent leur partition pour que nous puissions sauver nos parcs à karité qui subissent aussi les affres des changements climatiques.
A part cette distinction,
quelles sont les autres dont vous avez été honorée ?
La plus grande distinction dont
je me félicite, est celle qui a fait de moi officier de l’ordre du Mono, une
distinction nationale de la République Togolaise. Je voudrais remercier le Chef
de l’Etat, Son Excellence Faure Essozimna GNASSINGBE pour cet honneur qu’il m’a
fait en m’élevant à ce rang. Vous savez, cette distinction est accordée à ceux
qui sont reconnus comme ayant rendu service à la nation. C’est pour moi une
grande fierté. Je me réjouis d’apporter ma petite pierre à l’édifice national.
Votre mot de fin ?
Je voudrais rendre grâce à Dieu
qui ne m’a jamais oubliée. Il a su mettre sur ma route des personnes
exceptionnelles et uniques à mes yeux que je n’oublierai jamais et qui ont fait
de moi la femme que je suis aujourd’hui.
Lire aussi : Togo : le gazoduc nigérian bientôt opérationnel, un soulagement pour le Pays
Source
: Daganmag.com