Il avait 26 ans. Il aurait pu céder. Il aurait pu accepter les billets sales et détourner les yeux. Mais Floribert Bwana Chui a dit non. Ce jeune fonctionnaire congolais de l’Office Congolais de Contrôle, chargé de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires à la frontière Est du pays, a refusé de faire passer des produits douteux venus du Rwanda, malgré les pressions, malgré les menaces. Deux jours après son enlèvement à Goma en juillet 2007, on retrouvait son corps sans vie. Il avait été torturé, assassiné. Pour sa foi, pour son intégrité et pour avoir préféré la vérité à la compromission.
Ce 15 juin 2025, à Rome, en la solennité de la Sainte-Trinité, l’Église universelle proclamera bienheureux ce jeune laïc, martyr de l’honnêteté. Une première pour la République Démocratique du Congo, dont les fils et filles n’en finissent pas de pleurer les conséquences de la corruption, de la guerre et des silences complices.
Une béatification attendue, un message universel
Le 25 novembre 2024, le Pape François reconnaissait officiellement le martyre de Floribert Bwana Chui. Ce dimanche, Rome l’élèvera à l’honneur des autels. Mais c’est toute la RDC qui tremblera d’émotion. À la basilique San Giovanni in Laterano, une délégation congolaise composée de prélats, religieux, fidèles et représentants du gouvernement sera présente. Parmi eux : le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, et Mgr Willy Ngumbi, évêque de Goma, son diocèse d’origine.
L’Église du Congo, portée par l’espérance d’une jeunesse debout, célèbre un de ses fils tombé non par faiblesse, mais par fidélité. Fidélité à Dieu, à la vérité, à un peuple qu’il n’a pas voulu empoisonner.
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Gertrude Kamara Ntawiha, mère de Floribert, a longtemps pleuré son fils dans le silence des mères meurtries. Aujourd’hui, sa voix s’élève dans une clarté lumineuse : « Mon fils a été tué pour avoir dit non à la corruption. Il a fait un choix pour Dieu, jusqu’à la fin. »
Son témoignage bouleverse. Elle appelle les jeunes à ne pas trahir, à ne pas vendre leur âme. Elle appelle les dirigeants à la paix, en particulier dans cette région martyrisée de l’Est congolais, où la violence est devenue loi.
Une vie simple, un cœur grand, une foi inébranlable
Floribert n’était pas un héros en armure. C’était un jeune homme pieux, discret, passionné de lecture, fidèle aux messes matinales, engagé dans la Communauté Sant’Egidio auprès des plus pauvres. Il chantait à la chorale. Il servait à l’autel. Il croyait, simplement. Il aimait, intensément. Et cela a suffi à faire de lui un géant d’évangile.
Son ancien encadreur à l’OCC, Désiré Pengele, se souvient d’un jeune homme assoiffé de vérité, avide de bien faire. Il a rêvé de lui, la veille de sa mort. Un rêve prémonitoire, un lien invisible. Depuis, il ne cesse de parler de lui, comme d’un frère, comme d’un saint.
Floribert Bwana Chui, unmodèle pour les jeunes et les nations
« Son combat n’a pas été vain », déclare Trésor Kositi, son petit frère. Et il a raison. Dans un monde où la corruption semble être la norme, Floribert est une fracture dans l’ombre, une lumière dans la nuit. Il prouve qu’un jeune Africain peut dire non. Que l’intégrité n’est pas naïveté. Qu’on peut mourir pour une idée juste – et que cela compte, infiniment.
Le Pape François l’a dit : « Il aurait pu devenir riche. Il a préféré être honnête. »
Ces mots résonnent comme un appel. À l’Afrique. À ses dirigeants. À ses jeunes. À nous tous.
Floribert Bwana Chui entre ce 15 juin dans l’Histoire de l’Église. Mais son nom résonnera surtout dans le cœur des justes, comme celui d’un frère qui n’a pas cédé, d’un martyr qui n’a pas trahi, d’un saint qui a aimé jusqu’au bout.
Pour rappel, la béatification est la déclaration, par décret pontifical, qu’une personne défunte de foi chrétienne a pratiqué au cours de sa vie les vertus naturelles et chrétiennes de façon exemplaire, ou même héroïque.
La publication de ce décret est suivie d’une célébration solennelle de béatification. La vénération publique de celui ou celle qui est alors appelé bienheureux ou bienheureuse est par la suite autorisée localement. Il faut attendre la canonisation pour que le culte soit étendu à toute l’Église.
Charbel SOSSOUVI